Le miracle n'a pas eu lieu. Deux fois, j'ai succombé à la tentation d'entrer dans l'univers de Dune. Deux fois, j'ai écouté les sirènes du raz-de-marée hagiographique renversant tout sur son passage avec ses vagues de louanges excessives. Deux fois, je me suis baigné dans le même fleuve, n'en déplaise à Héraclite. Le fleuve de l'incompréhension et de l'indifférence. Explications.
Je n'avais pas aimé le roman de Franck Herbert. Inutile que j'en explique les raisons. Ce sont les mêmes raisons pour lesquelles je n'ai pas aimé le film, et sur lesquelles je reviendrai dans cette chronique. Pourtant, le cousin qui m'avait conseillé ce livre est une personne de confiance, m'ayant fait découvrir d'excellentes séries d'heroïc fantasy. Il était très élogieux, trop peut-être, pour ce roman de science fiction, un genre qu'il n'affectionne pas particulièrement par ailleurs. Déjà, à l'époque, j'aurais dû me méfier.
Lorsque je découvris la bande annonce du film de Villeneuve, j'étais dans la salle de cinéma de Dinan, très belle commune des Côtes d'Armor connue pour sa statue de Du Guesclin (ce qui n'a aucun rapport avec le film, mais davantage d'intérêt). J'allais y voir Kaamelott, enfin (dont je garde un avis mitigé, d'ailleurs). La sortie de Dune me laissa donc assez indifférent. Je n'avais pas l'intention d'aller le voir il y a quelques jours encore. Puis, et ce fut là ma seconde erreur, je découvris le concert d'éloges, le cortège d'oraisons exaltées sur les réseaux sociaux. Un individu, tristement égaré dans sa folie, a même pu écrire que c'était là le début d'une nouvelle trilogie digne du Seigneur des Anneaux. Pardonnez-le, il ne sait pas ce qu'il dit.
Vous l'aurez compris. Je n'ai pas aimé Dune. En voici les raisons.
CHALEUR, VOUS AVEZ DIT CHALEUR ?
C'est le problème essentiel du film. Dune est une planète connue pour sa chaleur, pour les difficultés d'accès à l'eau, ce qui explique pourquoi des mécanismes de récupération de l'eau du corps ont été inventés. Le problème, c'est que, pendant les 2h45 du film, je n'ai jamais ressenti, à aucun moment, cette impression de chaleur. Les personnages ne transpirent jamais. Ils ne semblent jamais accablés par le soleil. Et, surtout, esthétiquement, le film est rempli de couleurs froides. Pour faire ressentir une impression au spectateur, les couleurs sont un outil parfait. Or, aucun filtre jaune ou orangé (à l'exception d'un court passage du film), aucun effet du soleil sur les personnages ne sont utilisés pour accroître l'idée de chaleur. Villeneuve est un réalisateur qui voue un culte au réalisme et aux plans épurés. Certes. Mais lorsque cette obsession devient un obstacle à la réussite d'un film et à l'élément essentiel de l'univers, alors elle devient un problème et ne concerne plus uniquement la seule personne du réalisateur.
En dehors de ce problème majeur, le film est esthétiquement beau. Les plans sont réussis. Je ne suis pas un spécialiste des techniques du cinéma, et n'aspire pas à feindre de l'être, mais, en tant que béotien, j'ai ressenti la beauté de certains plans larges et de certains effets spéciaux. Si l'on passe outre l'absence de couleurs chaudes, la planète Arrakis est vraiment somptueuse.
La musique brille surtout par son absence. En effet, le réalisateur joue de manière très subtile avec les sons. Il y a de nombreuses scènes où l'on n'entend aucun orchestre, aucune musique, juste des effets sonores. Et c'est réussi. Le rendu est magnifique. Par contre, la musique, lorsqu'elle apparaissait, m'a laissé insensible.
Une dernière difficulté esthétique m'a gêné. Entre les Atréides et les Harkonnen, je n'ai pas distingué de différence culturelle particulière. De manière plus générale, les costumes sont trop épurés et m'ont perturbé pour pouvoir y voir des cultures propres. Le comble du ridicule fut lorsque, sortant de leur vaisseau, les Atréides, vêtus dans un style oriental, étaient précédés d'un homme jouant de la cornemuse ! Cherchez l'erreur.
« UN GRAND HOMME NE CHERCHE PAS A DIRIGER, IL EST APPELÉ A DIRIGER »
Cette citation illustre une grande partie de ce que je n'aime pas dans l'univers de Dune. Je ne rejette pas l'idée qu'il s'agit d'un bon roman, ni d'un bon film, mais cela ne m'intéresse pas. Le destin de Paul m'indiffère.
Je vous ferai l'économie du résumé complet de cette histoire. En bref, c'est l'histoire d'un adolescent, Paul, fils de lignée noble, dont la famille est envoyée sur une planète afin d'y extraire l'épice, source de pouvoir et d'argent. Il s'agit en fait d'un complot fomenté par l'empereur et la famille rivale de celle de Paul. Parallèlement à cette histoire de fond, une communauté féminine tente de donner naissance à un élu capable de développer à la perfection ses capacités mentales, et les Frémens, habitants de la planète Dune et victimes du joug des familles qui s'y établissent, croient en la venue d'un élu qui les aidera à se révolter. Et c'est tout. Contrairement à ce que je peux entendre un peu partout, Dune n'est pas une histoire ni un univers complexe !
Je n'arrive pas à m'intéresser à cette histoire. Il y a trop de sacré, de mysticisme, de religieux, et pas assez de place pour les choix personnels et rationnels des hommes. Le sacré doit guider l'action des personnages. Dans Dune, le sacré se substitue au réel. Tous les personnages sont aliénés d'une manière ou d'une autre par leur croyance. « Ils voient ce qu'on leur a appris à voir », constate Paul lorsqu'il arrive sur Arrakis.
Ajoutez à cela un peu d'épice, le fameux ingrédient autour duquel tourne l'intrigue, élément central de la planète. L'épice aurait des vertus secrètes et magiques, et concentrerait d'incroyables pouvoirs. Pour l'instant, le film a peu abordé ce côté très mystique, qui m'a profondément agacé dans le livre.
En général, j'ai du mal avec les élus. Cela ne me touche pas et ne me fascine pas. Je préfère lorsqu'un héros devient un personnage à part, de par ses actes ou son charisme, mais pas parce qu'il est élu, ou de haute lignée. C'est aussi la raison pour laquelle je n'apprécie pas les Jedis dans Star Wars. La fascination pour les élus renvoie à un certain élitisme, malheureusement trop présent dans Dune. Pour répondre au grand-père de Paul, auteur de la phrase titre de ce paragraphe, un grand homme devient un grand homme selon moi. Il ne l'est pas.
Je ne reviendrai pas sur la citation sur la peur, très souvent récitée et répétée par les fans de Dune. Je la trouve niaise et dénuée d'intérêt. Je ne comprends toujours pas, à ce jour, ce qu'elle a d'extraordinaire.
« TOUT EST SI CALME ICI »
La phrase est prononcée par un des acteurs durant le film, mais elle pourrait être de moi. Le rythme de ce film est beaucoup trop lent. Il dure presque trois heures, et l'histoire a très peu avancé. « Ce n'est que le commencement », répond une Frémen à Paul à la fin du film. Oui, hélas !
Le jeu des acteurs n'aide pas à ajouter du rythme à ce film qui en manque cruellement. Thimothée Chalamet est peut-être un excellent acteur, mais son indifférence et son air nonchalant me l'ont rendu insupportable. Les actrices et acteurs de ce film sont insipides et ont, très souvent, un ton décalé par rapport à ce qu'ils font ou disent. Un ton calme lorsque la situation est périlleuse, un ton tragique et grandiloquent lorsque la conversation porte sur des affaires courantes.
Je prends un exemple. Il y a une scène où les moissonneurs d'épices courent un grand danger du fait des vers géants qui s'approchent (les vers sont très réussis, d'ailleurs, un excellent point du film !). La situation est donc extrêmement tendue, et Paul décide d'aller les secourir en sortant de son vaisseau. Jusque là, tout va bien. Malheureusement, en sortant, au lieu de courir vers les personnes qu'il doit sauver, il s'arrête, et ramasse une poignée de sable. Il s'arrête, et ramasse une poignée de sable (je répète volontairement ma phrase, pour vous donner la même impression que j'ai eu devant cette scène, un rythme brisé et ralenti).
CONCLUSION
Je n'ai pas aimé Dune, mais ce n'est pas un mauvais film pour autant. J'ai insisté sur les points négatifs, mais les scènes d'action sont par exemple plutôt réussies, les mouvements de combats en particulier, ce qui peut faire espérer pour la suite. Si suite il y a. Son existence dépendrait du succès de ce premier film. Cela explique sans doute la propagande panégyrique dont fait l'objet ce film sur toutes les ondes.
D'avance, je réponds aux fans qui m'expliqueront que je n'ai pas compris le film ni le livre parce que je n'ai pas lu tout l'univers et que tout s'explique en lisant la suite, c'est un mauvais argument. J'adore Le Seigneur des anneaux, le livre comme les films. Le livre principal, ainsi que les films, se suffisent pour être géniaux. Lorsque je conseille la lecture d'un livre de l'univers de Tolkien à un ami, c'est pour aller plus loin dans la passion, pas pour apprécier ou expliquer l'histoire principale.
Bon film, pour ceux qui ne l'ont pas vu !
Je suis encore plus chaud pour aller le voir !