La Joie ennemie, de Kaouther Adimi
- Mémo'art d'Adrien
- il y a 2 jours
- 2 min de lecture

Tout a été dit, ou presque, sur le livre de Kaouther Adimi, La joie ennemie.
En passant une nuit à l’Institut du Monde Arabe, elle se laisse rattraper par son passé. Elle pensait écrire sur l’artiste Baya, et elle comprend soudain pourquoi cette figure lui est si importante. Alors commence une enquête intime : confrontée à ses silences, à ses trous de mémoire, elle interroge sa famille, et tente de recomposer ce qui a été effacé.
Pour cette chronique, j’aimerais m’arrêter sur deux choses.
La première, c’est une erreur de traitement de texte qu’elle évoque, entre les morts et les mots. Cette proximité est troublante : chaque mot qu’elle écrit réveille le souvenir des morts de la décennie noire algérienne. Les mots deviennent des pas vers le passé, sur les traces de l’enfance. Et en même temps, ils rendent hommage aux morts, à ceux qui ont essayé de défendre les mots des autres.
La deuxième chose, c’est une autre confusion possible. Non plus entre morts et mots, mais entre couleurs et couloirs. J’ai découvert ce texte en version audio, et cette lecture m’a fait entendre cette proximité. La lumière éclatante des toiles de Baya surgit comme une revanche de la vie, face aux couloirs sombres, étouffants, où même l’air semblait manquer.
Dans ce va-et-vient, l’auteure fait surgir une beauté paradoxale : la joie comme ennemie de la terreur, mais aussi comme victoire fragile sur le silence.
On marche dans les couloirs de mémoire avec elle, mais on y aperçoit les éclats de couleur, les fragments de souvenirs libérés, grâce aux couleurs lumineuses et gracieuses de Baya.
J’ai été bouleversé par ce décalage entre les images joyeuses filmées par son père à l’époque, ces cassettes où l’on sourit, où l’on rit, et les souvenirs qu’elle en avait gardés, marqués par l’anxiété et la peur.
Est-ce que les mots, les morts, les couloirs, les couleurs… ne sont pas tout cela à la fois ? Un mélange de joie, de terreur, de silence et de mémoire. Peut-être que La joie ennemie, c’est justement ça.
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