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Mémo'art d'Adrien

La mouette, d’Anton Tchekhov


🎭📚Quel choc ! 📚🕊️


Nous avons, avec mon épouse, adoré la pièce d’Anton Tchekhov, La Mouette ! Une pièce absolument géniale, à plusieurs niveaux de lecture, et dont l’analyse qui suit ne peut être exhaustive, tant il y a à en dire !


La Mouette de Tchékhov a été écrite en 1896. Elle reçut un accueil très défavorable à sa sortie, à tel point que la comédienne Vera Komissarjevskaïa, une immense star à l’époque, perdit sa voix face à l’hostilité du public. Ce n’est qu’en 1898 que la pièce recevra enfin un accueil triomphal.


Cette pièce tragique, bien que décrite par son auteur comme une comédie (le rire s'y entremêle incontestablement), bouleverse les codes par son rythme et l'absence d'action.


S’inspirant de Shakespeare, il superpose, par l’effet d’une mise en abîme, une pièce de théâtre à la représentation existante.


L'intrigue se noue autour des personnages, chacun jouant un aspect de la partition de la comédie humaine. Leur passion ou leur ambition les tourmentent. Si l'amour, omniprésent dans la pièce, fait vibrer leur cœur, il demeure toujours sans écho.


Tchekhov dépèce nos propres représentations subjectives et ses enfermements. L'art est le substrat de cette pièce. Au fil des dialogues, nous retrouvons Shakespeare, Maupassant et Pouchkine que Tchékhov admirait.


Une réflexion sur la place de l'artiste et ses velléités résonne. La Mouette est une analogie symbolique. Elle représente la liberté et l'espoir (d’ailleurs, il semblerait qu’en russe, la traduction du mot « mouette » serait proche du mot « espérer »).


Nina, une jeune actrice, l'incarne. Elle parvient à dépasser la représentation négative qu'elle a d'elle-même et que d'autres lui renvoient par sa volonté de vivre le destin qu'elle désire.


Elle refuse de paraître et elle deviendra actrice de son existence. Le double sens du mot « actrice » est d’ailleurs merveilleusement utilisé ! Mais, comme la mouette, elle est fragile et à la portée des prédateurs.


C'est Trigorine, écrivain à succès mais envahi par la perception de sa médiocrité, qui l'écorche.


Konstantin, dramaturge, amoureux malheureux de Nina, ne parvient pas à dépasser ses représentations et ses illusions. Il se condamne à la médiocrité sans espoir. C'est un personnage riche et complexe.


D’ailleurs, après l’échec de sa première pièce, moquée par sa mère, il décide de l’interrompre brutalement. Le lendemain, il reproche à Nina, l’actrice de sa pièce, de ne pas avoir suffisamment défendu son œuvre.


Il lui dépose à ses pieds une mouette qu’il vient de tuer. Et ajoute : « Bientôt, je serai comme cette mouette ».


En voyant ce cadavre, l’écrivain à succès Trigorine (qui est aussi l’amant de la mère de Konstantin) imagine une nouvelle : « Une jeune fille passe toute sa vie sur le rivage d'un lac. Elle aime le lac, comme une mouette, et elle est heureuse et libre, comme une mouette. Mais un homme arrive par hasard et, quand il la voit, par désœuvrement la fait périr ».


Tchekhov dessine la vie tel que ses personnages la rêvent. Ils s'enferment dans leur propre théâtre de représentation et sont dans l'incapacité d'entendre les attentes des autres. Leur propre désillusion est trop omniprésente.


Le ridicule côtoie le profond et le tragique étouffe sous l'insignifiance. On ne ressort pas intact, nous non plus, à la lecture sans fard de Tchékhov sur la condition humaine.

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