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  • Mémo'art d'Adrien

AF 17 pour New York, de Bertrand Ploquin



Attachez vos ceintures, éteignez vos appareils électroniques et vos téléphones portables, mettez un peu de musique Jazz dans vos oreilles, et écoutez bien les consignes qui vont suivre, le vol AF 17 pour New York va décoller d'ici quelques minutes. Notre commandant de bord, Bertrand Ploquin, vous souhaite la bienvenue à bord de ce superbe appareil, long d'une centaine de pages et compartimenté en huit nouvelles consacrées à huit passagers, choisis plus ou moins de manière fortuite. Je suis Adrien, co-pilote à bord de ce vol assuré par la compagnie Mémo'art d'Adrien, et, à ce titre, vous pouvez me faire confiance : embarquez dans ce AF 17 pour New York, vous ne le regretterez pas !


Vous me le concéderez, l'idée est absolument ravissante ! Prendre huit passagers au hasard, raconter leur histoire, adopter leur point de vue, leur ton, leur manière de penser, les faire se croiser subrepticement, glisser des clins d’œil très discrets, jamais abusifs, d'une nouvelle à une autre... Trop de recueils de nouvelles souffrent de manque de fil conducteur, et d'irrégularité, ce n'est clairement pas le cas pour celui-ci. Ce n'est d'ailleurs pas un recueil de nouvelles comme les autres. Il y a une véritable cohérence d'ensemble dans cet ouvrage. Elle se ressent.


Le point fort de ce livre est de parvenir à embarquer le lecteur dans chacune des nouvelles, à le faire s'attacher très rapidement au nouveau personnage. Changer de style d'écriture et de ton pour chaque personnage, sans que le lecteur n'ait l'impression d'être perdu, est un exercice particulièrement difficile, et osé. Alain Damasio, dans sa nouvelle "So Phare Away" ou dans son roman cultissime "La horde du contrevent", est un maître en la matière. Bertrand Ploquin n'a pas à rougir, en l'occurrence. Il y parvient parfaitement, et l'ouvrage, sur cet aspect, est de haut vol (le jeu de mot est évidemment volontaire, et assumé).


Ainsi, l'ouvrage fourmille de personnages et d'histoires différentes, et permet de rendre compte à quel point chaque vol est un monde à part entière, un univers de quelques heures, un écosystème autonome et ayant ses propres règles. Il contient par exemple l'histoire très émouvante d'une femme se rendant à New York avec son mari et son fils, celle très drôle d'un expert en statistiques, anxieux et paranoïaque, scrutant chaque passager et chaque élément du vol pour découvrir un danger quelconque, et se rassurant par ses statistiques ; ou encore l'histoire triste d'une jeune fille, dont le père est un architecte détestable, qui se rend à New York pour superviser l'un de ses futurs projets. Vous ne pourrez que vous attacher à un jeune barman, connaissant son premier vol au bar des "Première classe", excité de rencontrer le "maître des coktails", ou à une jeune super héroïne décidée à sauver le vol d'un terrible accident, au risque de perdre son anonymat. D'autres histoires sont plus pathétiques, comme celle d'un homme, dont la femme lui annonce qu'elle le quitte, par trois maudits messages téléphoniques.


Je n'entre pas dans le détail de chaque nouvelle, de peur de vous gâcher le plaisir de la découverte. Mais on ne s'ennuie jamais avec cet ouvrage, qui se lit très fluidement et assez rapidement. Je vous encourage vivement à le lire, car l'une de ses forces est de surprendre, presque à chaque nouvelle, le lecteur, par un renversement total de la dimension de lecture dans lequel il s'était installé. Les fins de nouvelle comportent une fin brutale et souvent surprenante, soit drôle, soit triste, soit cynique. Elles correspondent parfaitement à la tradition française de la nouvelle : un texte court dont la fin, brutale, heurte le lecteur.


L'auteur offre par ailleurs son regard sur la modernité, sur la banalité du quotidien. Il mêle les échecs des uns et les souffrances des autres, la folie des uns et le désespoir des autres. Il y a presque un côté Houellebecq dans ce livre, où la frontière entre une enfant jouant à la super héroïne et un adulte traquant, sérieusement, le moindre danger dans l'avion est très peu perceptible. Le style oscille entre des instants très familiers et modernes et d'autres d'une profondeur abyssale. Il y a de très belles réflexions dans ces nouvelles à l'apparence légère, de très belles phrases sur le vide, notamment. La passion de l'auteur pour le jazz se ressent également, car l'enchaînement et le rythme des nouvelles se font dans un style de jazz swing.


En conclusion, pour toutes ces raisons, et pour bien d'autres que je vous laisse découvrir par vous-mêmes, je vous conseille de lire cet ouvrage très original de Bertrand Ploquin, qui constitue un véritable vent de fraîcheur.


Parez au décollage... et attention aux turbulences...








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