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  • Mémo'art d'Adrien

Mourir au monde, de Claire Conruyt

Dernière mise à jour : 7 janv. 2023



« Si elle pouvait être une lettre, laquelle serait-elle ? », s’interroge Sœur Anne, une des deux protagonistes du premier roman de Claire Conruyt, Mourir au monde. Confrontée à une quête existentielle, voire spirituelle, Anne se voit imposée par la mère supérieure d’accompagner Jeanne, une postulante ayant fraichement intégré le couvent.


Comme une histoire de lettres, entre Anne et Jeanne, deux lettres les séparent, le J et le E, ce fameux « JE » que Jeanne devra apprendre à effacer. L’effacement de soi et du monde qui l’entoure est un effet naturel de l’entrée dans le couvent qui, lui-même, « échappe au nom ».


Entre les murs du couvent, Jeanne et Anne se lient rapidement d’une amitié « absolue » qui, dehors, aurait été « étouffée par le bruit ». Pourtant, les deux femmes apparaissent si différentes, si éloignées. Anne est « une ombre légère » tandis que Jeanne « est une fleur qu’on ne déloge pas ». Anne semble « tristement belle », contrastant avec « l’ingénuité », la « candeur naturelle » de sa jeune postulante, décrite comme « pleinement heureuse ». L’ « océan agité » contre le calme plat. La lutte contre la sérénité. Les pleurs de joie contre le sourire.


Pourtant, l’amitié qui croit entre les deux religieuses touche le lecteur de par sa tendresse. Dans ce couvent, « cachées dans la paume du Dieu qu’elles adoraient », l’affection qui unit les deux femmes est telle que le lecteur soupçonne la naissance d’un sentiment amoureux, un « amour que l’on ne nomme pas ». Comme si Anne et Jeanne étaient les deux faces de la foi religieuse, une lutte et un don.


Le roman de Claire Conruyt, écrit dans un style littérairement divin, aborde la question de la foi religieuse avec profondeur et affection pour les femmes qui ont choisi de mener cette vie. Comme Bernanos sut le faire pour les hommes, la romancière explore le « frisson de la foi » ressenti par une femme. Le cœur est mis à nu et autorise un amour inconditionnel envers Dieu. La foi est cet étrange état dans lequel une femme, à l’intérieur d’elle-même, se présente comme un livre au langage divin.


C’est un roman sur l’amitié, sur l’amour, sur la quête de soi, sur le rapport aux autres religieuses mais aussi sur les liens avec la famille, ceux qui restent, qui espèrent, qui comprennent ou ignorent tout. C’est un roman qui rend triste et heureux. Il aide le lecteur. Il l’assiste dans sa propre quête existentielle et spirituelle. Le lecteur tourne la dernière page au bord des larmes, instable et ébranlé dans ses certitudes par une fin prodigieuse. Mais il sourit.


« La vie religieuse sonne une fin.

C’est mourir au monde.

Il y a ensuite une renaissance ».


Mourir au monde, de Claire Conruyt, Plon, 160 pages, 17 €.

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