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  • Mémo'art d'Adrien

Aliénor d'Aquitaine, Il y eut un soir et il y eut un matin, de Marie-Noëlle Demay

Dernière mise à jour : 7 janv. 2023



Aliénor d’Aquitaine est un des personnages historiques les plus insaisissables de notre histoire. D’abord parce qu’elle appartient à ce douzième siècle si lointain, si obscur et mystérieux. Peu de portraits existent de cette grande femme. Pour s’imaginer son aspect, la nécropole royale de l’abbaye de Fontevraud est un allié précieux.


Puis, insaisissable, parce que sa vie est une monumentale fresque de grandeur, digne des plus grands romans, des films les plus épiques, des séries les plus mouvementées. Il faudrait cent vies, pour combler la sienne. Tel le temps qui passe, Aliénor ne se fige jamais, elle court, elle avance sans ne jamais s’arrêter. Elle ne peut jamais être saisie. Son nom, déjà, ne signifie-t-il pas « l’autre Aénor », en langue d’oc ?


Et pourtant, aussi insaisissable soit-elle, Marie-Noëlle Demay, dans Aliénor d’Aquitaine Il y eut un soir, et il y eut un matin, lui a consacré son second roman, l’installant au crépuscule de sa gloire, au moment où, ne cessant jamais de vouloir régir l’équilibre de l’Europe et de la paix entre Capétiens et Plantagenêts, elle ramène sa petite-fille, Blanche de Castille, fille du roi de Castille, pour qu’elle épouse le futur Louis VIII.


Ainsi, le roman oscille entre deux narrations, celle d’Aliénor et celle de Blanche, chacune exprimant ses sentiments face au temps qui passe et à l’aune des années à venir, lors d’un long voyage à travers l’Espagne et du duché d’Aquitaine, sur les terres d’Aliénor.

Deux fois reine, de France d’abord, puis d’Angleterre, Aliénor règne également de sa superbe sur le roman. La romancière parvient, avec talent, à sacraliser la figure de la reine. Chacune de ses apparitions est entourée d’une aura particulière. A travers les pages du livres, le lecteur peut ressentir l’impression du temps qui se fige, le sentiment de grandeur et d’écrasement que subissent ceux ayant l’honneur de s’adresser ou d’admirer les faits et gestes d’Aliénor. Tout en relatant les grands moments de son existence, Marie-Noëlle Demay réussit à magnifier son personnage, à la hisser au rang des plus grands de ce siècle.


Le roman est un récit sur le temps : le temps d’une transmission générationnelle, mais aussi le temps de la nostalgie. Aliénor songe aux souvenirs qui se meurent. Elle dresse une sorte de bilan de ses actions, et pense, en permanence, à son fils, Richard « Cœur de lion ». Ce fils tant aimé décède dans les premières pages du roman. Mais son ombre plane sur l’ensemble du livre. Aliénor s’adresse à lui directement. Elle lui délivre ses pensées, ses doutes, ses regrets, ses larmes et ses dernières forces. L’amour de cette mère pour son fils, au-delà de la souveraine et du souverain, est une goutte d’eau au milieu du désert caniculaire.


Mais c’est aussi le temps d’un renouveau. D’un nouveau départ, espéré plus doux, plus pacifique que les terribles conflits du siècle qui s’endort. Un nouvel éveil, ou plutôt une lumière créatrice. D’où, sans doute, le titre du roman, reprenant un fragment très célèbre de la Genèse. C’est ainsi que, à travers le personnage de Blanche et de sa crainte au regard du devoir qui l’attend, le roman symbolise le témoignage d’un espoir en des jours heureux, grâce à ce mariage entre Capétiens et Plantagenêts. L’histoire, hélas, jouera, une fois n’est pas coutume, le rôle de briseuse de rêves.


Aliénor est un immense personnage, comme il y en a peu dans l’Histoire. Une grande reine, une grande femme, une grande souveraine. Trop grande, peut être, pour que le lecteur parvienne à croire qu’elle est l’une des deux narratrices de ce roman. Ce sera mon unique regret, à propos de ce roman. Malgré tout le talent, indéniable, de Marie-Noëlle Demay, je n’ai pas réussi à me laisser convaincre que le roman était écrit par une reine du XIIème siècle. Il m’aura manqué cette perfection de l’immersion, élément indispensable d’un grand roman historique, et si difficile à atteindre.


Insaisissable, Aliénor le demeure, décidément.

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