J’ai terminé et ai beaucoup apprécié cet excellent ouvrage de Marie-Laure Buisson sur le destin de plusieurs femmes combattantes mises en lumière par l'auteur. Le présent article sera tout d'abord l'occasion pour moi de vous expliquer ce qui m'a plu dans cet ouvrage et de vous donner envie d'aller le lire. Puis, la seconde partie de l'article sera constituée de la retranscription d'un entretien téléphonique que Marie-Laure Buisson m'a très aimablement accordé.
L’ouvrage est découpé en sept récits consacrés à des femmes qui ont, à travers leur propre destin, eu un impact considérable, et insuffisamment reconnu, sur le cours de l’histoire.
Chacune de ces histoires pourrait constituer un roman, tant les destins de ces femmes sont extraordinaires et en font, pour chacune d’entre elles, des héroïnes.
L’auteure a un véritable talent de romancière, qu’elle met au service de ces sept histoires qui se lisent comme des romans d’aventure. Le rythme est palpitant, la narration est efficace, le suspens et la psychologie sont bien présents.
Pour chacune de ces histoires, l’envie d’en connaître la fin, parfois heureuse, parfois révoltante, parfois douloureuse, était insoutenable. Quel drame ce fut que d’être interrompu en pleine histoire !
Ce qui m’a profondément marqué dans cet ouvrage, c’est qu’il est un hommage, au delà de ces sept femmes, à toutes les femmes qui, chacune à leur manière, sont prêtes à se sacrifier pour la préservation de leur cercle familial. Toutes sont combattantes.
Le sacrifice ultime, celui de mourir pour autrui, est risqué pour chaque femme qui a un enfant. Cet aspect est particulièrement bien abordé par l’ouvrage. En cela, l’idée d’une responsabilité et d’un sens du devoir pour autrui ont quelque chose de génétique.
Ainsi, l’aspect « féminin » de ces histoires est très justement exploité, de manière équilibrée, sans ne jamais sombrer dans un état d’esprit d’opposition entre sexes. L’introduction et la conclusion sont à ce titre de vraies plus values de l’auteure.
Enfin, l’ouvrage se lit de manière très fluide. Surtout, les chronologies en fin de chaque récit sont particulièrement appréciables.
ENTRETIEN AVEC MARIE-LAURE BUISSON
Mémo'Art d'Adrien : Bonjour Madame Buisson et merci de m'accorder cet entretien. Comment avez-vous eu l’idée de cet ouvrage et comment avez-vous choisi les femmes dont vous racontez les histoires ?
Marie-Laure Buisson : J’avais vaguement entendu parler d’une femme légionnaire qui avait participé à la bataille de Bir Hakeim, et dont on avait cherché à effacer la trace, mais je ne connaissais pas précisément son parcours. En m’intéressant davantage au récit de sa vie, j’avais été bouleversée par son comportement héroïque pendant la bataille et indignée qu'elle ne soit pas plus connue. Le monde militaire m’intéresse d’autant plus que je suis issue d’une famille de résistants, et que j’ai eu deux grands-oncles aviateurs au Normandie-Niemen. La seconde guerre mondiale est donc une période importante pour moi. Par la suite, dans la lignée de cette femme héroïque, j’ai tiré le fil de l’histoire pour remonter jusqu’à aujourd’hui, à la recherche de destins extraordinaires semblables, comme celui de Cassiopée (un nom d’emprunt), cette jeune officier de l'Armée de l'air que j'ai pu rencontrer puisque je suis moi-même Colonelle de réserve. L'Etat-Major me l'a présentée à condition que je ne révèle jamais rien qui puisse compromettre sa personne ni sa mission et c'est ainsi que j'ai pu raconter son incroyable histoire d'espionnage au Mali.
M.d'A. : Pensez-vous que cet héroïsme du sacrifice ultime pour défendre les siens soit accentué, voire magnifié, chez la femme ?
M.-L.B. : Les femmes sont de celles qui depuis des millions d'années, veillent à la survie de l'espèce, en se sacrifiant pour sauver leur clan. Ce n’est pas pour rien qu’on dit qu’une femme devient une « tigresse » dès lors qu’il s’agit de protéger les siens et qu'il y a danger. En écrivant ce livre, il m’est apparu de manière très évidente que beaucoup de femmes ont pris le risque d’aller au devant du danger pour assurer la protection de leur patrie ou de leur famille alors qu'elles n'étaient pas obligées de le faire. « Un soldat quand il souffre devient un enfant », est une phrase de mon livre dont je suis particulièrement fière. Or, c’est tout le miracle de Geneviève de Galard, l'infirmière de Dien Bien Phu, que d’avoir su être présente pour tous ces hommes qui, bien qu'ils étaient pour beaucoup des soldats aguerris, se sont réconfortés dans les yeux de cette femme. Sans elle, beaucoup auraient baissé la garde, auraient succombé à leurs blessures. Elle les a maintenus en vie à bouts de bras, avec un moral d’enfer et une patience d'ange.
M.d'A. : Pensez-vous qu’il y ait un rapport spécifique des femmes au patriotisme ?
M.-L.B. : Je pense que la femme est patriote, exactement de la même manière que les hommes. Mais l'expression de ce patriotisme peut-être plus ou moins puissante ou charnelle selon les Nations. Il y a par exemple un état d'esprit particulier dans les pays de l’Est qui remonte à ce qu’on appelle là-bas la "Grande guerre patriotique" (2nde guerre mondiale) : à cette époque 800.000 femmes ont pris les armes et ont combattu en appui des troupes, en particulier au moment des sièges de grandes villes, comme Stalingrad. On peut rajouter à cela la mémoire de chaque peuple qui attise selon les époques un peu plus ce patriotisme. Lorsque le souvenir d’un conflit est encore frais, les femmes ont en mémoire le récit d'une grand-mère ou la perte d’un père, et elles sont dès lors d’autant plus désireuses de défendre leur patrie.
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