Ne faire confiance à personne. Être prudent, à chaque pas, à chaque rencontre, à chaque instant de sa visite dans la Cité Diaphane. Ne surtout pas boire les eaux du lac et de ses puits, devenues un poison mortel ayant causé la chute brutale de la cité sainte de la déesse sans visage. Mais imaginer, éperdument, passionnément, intensément, les splendeurs et les merveilles architecturale qui faisaient la fierté de Roche Étoile. Tels doivent être les commandements à graver à l’attention du lecteur qui s’aventurerait dans la lecture du premier roman d’Anouck Faure édité par les excellentes éditions Argyll. Une fois n’est pas coutume, abordons brièvement la forme de cet ouvrage, qui ne passe pas inaperçue aux yeux d’un esthète averti. D’abord, la couverture est sublime. L’image qui en orne les traits impressionne de par sa grâce, et donne une idée plus que précise de l’univers qui nous attend une fois le livre ouvert. Puis, et surtout, le roman est illustré par de nombreuses gravures dessinées par Anouck Faure elle-même, qui donnent une force supplémentaire au récit, en lui donnant de la vie. Combien de fois n’a t-on pas vu des illustrations hors de propos dans un roman pour ne pas se féliciter d’une telle cohérence iconographique ? Quant à l’histoire en elle-même, elle donne autant de fil à retordre à l’auteur de cette critique qu’elle n’a égaré et embrouillé le lecteur tout au long des chapitres du roman. Et c’est ce qui en fait un roman génial. Car personne ne peut imaginer ce qui l’attend lorsqu’il s’introduit dans La cité diaphane. Le lecteur doit retrouver son chemin dans un labyrinthe de pages et de chapitres plus palpitants les uns que les autres. Il est confronté aux mêmes doutes et confusions que les personnages du livre qu’il a entre les mains. Au début du roman, l’archiviste d’un royaume proche de la cité ayant dramatiquement chuté se rend sur place afin de comprendre ce qui s’est réellement passé dans les derniers jours de gloire du royaume défunt. Les documents sont rares, et les derniers témoins sont méfiants, aussi économes en paroles que mystérieux.
La folie traverse ces premières pages appuyée sur le bras de la souffrance, soutenue par la nostalgie et la douleur.
Et c’est là que tout bascule. À ce moment du récit, la vérité devient impossible à saisir. Les retournements de situation s’enchevêtrent et le fil de l’histoire s’étire de plus en plus. Une princesse, un prince, un trône à assumer, un passé à éclaircir. Quel est le rôle joué par l’archiviste au milieu de tout cela ? Pourquoi a-t-il été envoyé, lui, et pas un autre ? La cité diaphane se lit comme un polar plongé dans un univers fantastique et gothique. L’ambiance est immersive et addictive. En progressant dans l’histoire, le lecteur voit peu à peu se construire devant lui l’ancienne cité resplendissante et imagine s’agrandir le lac, source de tant de malheurs.
C'est à la fois un roman initiatique, un roman fantastique, un roman gothique, mais aussi un roman sur l'idée d'héritage, de transmission d'un passé et de construction d'un avenir, avec la complexité des sentiments et des passions qui lui octroient les charmes d'une tragédie. C'est tout cela à la fois, sans lourdeur, avec un équilibre et un dosage parfait.
Enfin, et il est important de le souligner, le style est fluide, élancé, agréable à suivre, et même plutôt lyrique, par moments, à tel point que ce roman peut parfois se lire comme un de ces poèmes antiques qui façonnèrent tant de légendes.
Je vous le conseille, vivement. C’est, déjà, un incontournable du genre.
Bravo à Anouck Faure et aux éditions Argull pour cette audace, ce panache et cette contribution si brillante au genre imaginaire français.
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