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  • Adrien

La promesse de l'aube, romain gary




Dans La promesse de l’aube, Romain Gary livre un récit autobiographique dans lequel il narre le combat de sa mère, ancienne actrice russe immigrée en France avec son fils, afin d’offrir à ce dernier un destin légendaire. A travers le somptueux portrait de sa mère, Romain Gary revient sur les différentes étapes de son parcours exceptionnel. Pour ceux qui l’ignorent encore, Romain Gary est né en 1914 à Vilna (actuelle Lituanie) et décède à Paris le 2 décembre 1980. Il fut, tout au long de sa vie, romancier, scénariste, réalisateur, diplomate, aviateur et résistant durant la seconde guerre mondiale. Sa particularité est d’avoir reçu le prix Goncourt à deux reprises, sous son vrai nom et sous son pseudonyme, Emile Ajar, sans révéler son identité réelle.


« Jamais plus, jamais plus, jamais plus »


La promesse de l’aube, c’est l’amour maternel jamais égalé par la suite selon l’auteur, rendant décevant tout sentiment et toute relation humaine vécus durant le reste de notre existence. L’amour que porte une mère à son enfant promettrait ainsi à tout être humain que toute relation d’amour comportera cette même puissance, cette même intensité. Une promesse non tenue car rien, selon Gary, ne parvient à se hisser au degré d’immensité que revêt l’amour maternel.


« Avec l'amour maternel, la vie vous fait, à l'aube, une promesse qu'elle ne tient jamais. Chaque fois qu'une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus, jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d'amour, mais vous êtes au courant. Vous êtes passé à la source très tôt et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tous côtés, il n'y a plus de puits, il n'y a que des mirages. Vous avez fait, dès la première lueur de l'aube, une étude très serrée de l'amour et vous avez sur vous de la documentation. Je ne dis pas qu'il faille empêcher les mères d'aimer leurs petits. Je dis simplement qu'il vaut mieux que les mères aient encore quelqu'un d'autre à aimer. Si ma mère avait eu un amant, je n'aurais pas passé ma vie à mourir de soif auprès de chaque fontaine. Malheureusement pour moi, je me connais en vrais diamants ».


« Tu seras un héros, tu seras général »


L’histoire est magnifiquement portée par la plume sensible et comique d’un Romain Gary au sommet de son art, composant par ce roman son chef d’œuvre. L’auteur semble vouloir atteindre les sommets de la littérature afin de rendre grâce à sa mère du portrait qu’elle aurait mérité, le portrait d’une mère autoritaire, passionnée, complexe et prête à tout pour offrir à son fils le destin qu’elle n’a pas eu. Le récit constitue une déclaration d’amour admiratif à toutes ces mères sacrifiant tant de choses pour leurs enfants.


Un amour excessif et parfois embarrassant pour Romain Gary, l’ayant conduit à un certain sentiment de haine envers sa mère dès lors que cette dernière affichait un amour qu’il jugeait extravagant et exagéré. En atteste l’extrait suivant :


«– Tu seras un héros, tu seras général, Gabriele D'Annunzio, Ambassadeur de France – tous ces voyous ne savent pas qui tu es ! Je crois que jamais un fils n'a haï sa mère autant que moi, à ce moment-là. Mais, alors que j'essayais de lui expliquer dans un murmure rageur qu'elle me compromettait irrémédiablement aux yeux de l'Armée de l'Air, et que je faisais un nouvel effort pour la pousser derrière le taxi, son visage prit une expression désemparée, ses lèvres se mirent à trembler, et j'entendis une fois de plus la formule intolérable, devenue depuis longtemps classique dans nos rapports : – Alors, tu as honte de ta vieille mère? ».


L’amour maternel et l’amour pour la France, métaphore d’une désillusion


Les lignes qui vont suivre révèlent mon interprétation personnelle du roman. L’auteur n’y a jamais fait mention. La critique n’a jamais mis en lumière cet aspect du livre. Cependant, de nombreux indices me conduisent à développer la théorie suivante : la promesse jamais tenue de l’amour maternel est identique à la promesse d’une France belle et éternelle que Romain et sa mère ne trouvèrent pas à leur arrivée dans l’hexagone.


La mère de Romain est venue en France pour offrir à son fils un destin exceptionnel, dans ce pays qu’elle admire pour sa grandeur, pour son histoire, pour l’élégance de sa langue et de son peuple. Le choix de la France n’a pas été un choix par défaut. C’est une déclaration d’amour envers une nation ayant séduit la mère de Romain par ses lectures et par l’incomparable rayonnement dont elle bénéficiait dans le monde entier.


Malheureusement, à plusieurs reprises dans le livre, la mère de Romain éprouve un sentiment mêlé de tristesse et de déception car la France qu’elle aimait n’existe plus. Le grand siècle du romantisme est mort. L’élégance des héros de la littérature française demeure une fiction. La promesse de l’aube est également la promesse non tenue d’une France infidèle à son image. Malgré cela, Romain Gary a épousé l’identité française, il s’en est imprégné, il est devenu un Français comme les autres, et s’est engagé pour défendre la sauvegarde de sa nouvelle patrie, sa véritable nation.


La fin du roman, sans en révéler les détails, confirme la vraisemblance de cette double promesse non tenue. La France que la mère de Romain est venue chercher était malheureusement morte depuis bien longtemps.


Pour aller plus loin avec La promesse de l’aube


L’adaptation au cinéma de ce roman, réalisé par Eric Barbier en 2017, est une véritable réussite, avec une prestation prodigieuse du duo Pierre Niney – Charlotte Gainsbourg. Avec mon épouse nous venions de finir le livre, nous en avions tous les deux été émus, et avons adoré le film. Un double conseil : lisez le livre puis voyez le film, mais n'en ratez pas les premières minutes comme nous !


Pour aller plus loin avec Romain Gary


La lecture de La promesse de l’aube provoqua en moi une immense stupeur, je compris aussitôt que je venais de faire la connaissance d’un immense auteur. J’ai, depuis, lu de nombreuses œuvres de Romain Gary et d’Emile Ajar, son double biographique. Si je devais vous en conseiller un seul, émouvant, drôle, et se rapportant également à la seconde guerre mondiale, ce serait Les cerfs-volants, son dernier mais génial roman. Cette phrase extraordinaire y sommeille : « Rien ne vaut la peine d'être vécu qui n'est pas d'abord une œuvre d'imagination, ou alors la mer ne serait plus que de l'eau salée ».


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