Renversant. Bouleversant. Passionnant. Fascinant.
Les mots pourraient se suivre ainsi, sans ne jamais se ressembler, mais plutôt se rassembler, pour décrire tout le bien que je pense de ce roman de Fabien Cerutti, L’ombre du pouvoir, premier volume de sa série « Le bâtard de Kosigan », un cycle romanesque à la fois historique et fantastique.
Le roman est construit très intelligemment sur deux récits narratifs complémentaires. D’une part, par des chapitres courts, écrits sous la forme épistolaire, le lecteur suit les aventures de Michael Konnigan, professeur d’archéologie médiévale, une sorte d’Indiana Jones de la fin du XIXème siècle, parti à la recherche d’informations précieuses sur son ancêtre du XIVème siècle, et découvrant progressivement de mystérieux secrets, d’incroyables révélations et éclairant ceux qui le lisent sur l’autre partie du récit.
D’autre part, justement, parallèlement aux courriers envoyés par son descendant, on découvre le récit, écrit à la première personne, de Pierre Cordwain de Kosigan, chevalier assassin, dirigeant d’une communauté de mercenaires hautement sélectionnés. Issu d’une puissante lignée bourguignonne, exilé et pourchassé par les siens, il use de ses talents et de ses vices au milieu des luttes pour le pouvoir de cette fin du Moyen-Âge entre français, anglais, bourguignons et autre peuples d’Europe.
Mais la particularité de ce roman, et c’est ce qui en fait un livre extraordinaire, c’est la présence d’espèces fantastiques, elfes, nains, orcs, etc, mélangés aux humains, liés à eux par le même jeu de mariages et d’alliances qu’avec un peuple européen d’espèce humaine. Cette merveilleuse dose de roman fantastique et historique est parfaitement maîtrisée par Fabien Cerutti et en fait, à mon sens, un maître de ce genre, dès ce premier volume. Éblouissant ! (voici un autre terme qui aurait pu être rajouté à la liste du début de cet article).
J’avais l’impression de me retrouver à la fois dans un roman historique de Maurice Druon et dans un roman fantastique de David Gemmel. L’ombre du pouvoir, c’est un tiers de Rois Maudits, un tiers de La couronne des sept royaumes, et un tiers du Lion de Macédoine, le tout parfaitement assaisonné par la plume dynamique, comique et épique de Fabien Cerutti.
« Sans mentir, si votre histoire se rapporte à votre plume,
Vous êtes le phénix des hôtes de cette librairie »,
pourrait-on pasticher, à la suite de la lecture de ce roman.
Sans trop aller dans les détails du roman, mais pour vous donner une idée du récit palpitant qu’il renferme, Pierre de Kosigan se rend, en novembre 1339 en Champagne, territoire des dernières princesses elfiques d’Aëlenwill. La veuve souveraine de ces terres a décidé d’accorder la main de sa fille au prétendant français ou bourguignon, afin d’éviter des années de guerre violente entre le roi et son vassal pour mettre la main sur ce précieux territoire et les pouvoirs, politiques et magiques, qu’il renferme. Entre tournois officiels, actions diplomatiques, rixes officielles et officieuses, dissimulations, mensonges et manipulations, le lecteur découvrira progressivement que la présence du Bâtard de Kosigan en ces lieux est loin d’être anodine (« il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous », ajouterait Paul Eluard) et, de fil en aiguille, le scénario est formidablement bien tissé, octroyant à cette mission les plus beaux atouts et les allures d’un jeu de piste palpitant.
Je vous conseille très vivement la lecture de ce roman, qui m’a émerveillé et donné irrémédiablement envie d’en lire la suite (la série comprend quatre tomes au total). Si vous aimez les romans historiques, emplis de complots et de stratégie diplomatique, vous allez adorer. Si vous aimez les tournois médiévaux racontés de manière réaliste et immersive, vous ne pouvez qu’apprécier la lecture de ce roman. Fabien Cerutti enseigne l’histoire, et cela se ressent dans la maîtrise de l’époque décrite, et l’absence d’approximations telles qu’il est possible d’en lire dans d’autres romans de ce genre. Enfin, si, en plus de tout ce qui précède, vous appréciez qu’une dose de fantastique s’intègre au récit (sans le perturber pour ceux que cela gênerait), alors c’est le roman parfait pour vous !
Mais ce n’est pas tout. Et c’est là que ce roman acquiert un statut encore plus élevé que d’autres, à mon sens.
Un élément supplémentaire, plein de panache, en fait un roman presque parfait. D'un nouveau genre.
Mais, pour cela, je suis obligé de révéler une partie du récit, une des dernières lettres écrites par le descendant du bâtard de Kosigan. Elle ne perturbe pas le plaisir que vous prendrez à découvrir toute l’histoire du protagoniste du roman, mais pour ceux qui préféreront découvrir cet élément par eux-mêmes, alors je vous préviens, dans le prochain paragraphe, un élément du récit vous sera révélé, merci de m’avoir lu jusqu’ici, et vous pourrez lire la fin de cet article lorsque vous aurez lu le roman (je prolonge volontairement ce paragraphe pour vous laisser pleinement le temps de prendre la décision de poursuivre ou non la lecture, pour que nous n’éprouviez aucun regret par la suite, et pour me décharger de toute responsabilité).
Cet élément supplémentaire (si vous êtes encore là, c’est que vous avez lu le roman, ou que vous êtes très curieux !), c’est que, dans une des dernières lettres de son descendant, le lecteur découvre que le descendant lui-même s’étonne de la présence d’elfes et d’autres espèces fantastiques dans le récit de son ancêtre. Au cœur du roman, se pose donc la question du genre du récit raconté : Historique ? Fantastique ? Un mélange des deux ? Même si ces espèces ont disparu entre temps, comment cela se fait il que le descendant, qui semble érudit, n’en ait jamais entendu parler, ailleurs que dans les écrits de Kosigan ? Ce dernier élément est génial, plein de mystères, et donne d’autant plus envie de lire le second roman de ce cycle : Le fou prend le roi.
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