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Mémo'art d'Adrien

Les Hauts de Hurlevent, Emily Brontë


Tel un loup guettant sa proie, la mort rode autour du lecteur tout au long des Hauts de Hurlevent.


J’ai longtemps hésité à écrire cet article. Parce que j’étais intimidé face à un tel monument de la littérature. Parce que j’avais peur que mes mots ne puissent jamais être à la hauteur de ce chef d’œuvre. Mais en littérature, ce qui importe, ce sont les émotions que provoque un roman. Alors, je me suis décidé à retracer le portrait réaliste et authentique des sentiments qui m’assaillirent lors de la lecture des Hauts de Hurlevent.


D’abord, j’ai rapidement compris que ce n’était pas une histoire d’amour. C’est une passion dévorante qui dévore Heatcliff et Catherine, une relation incestueuse entre un homme et sa sœur d’adoption. Les histoires d'amour impossibles sont nombreuses dans la littérature, mais celle romancée par Emily Brontë est unique, parce qu'elle est malsaine, presque inhumaine.


« Mon amour pour Linton est comme le feuillage dans les bois : le temps le transformera, je le sais bien, comme l'hiver transforme les arbres. Mon amour pour Heathcliff ressemble aux rochers immuables qui sont en-dessous: source de peu de joie apparente, mais nécessaire. Nelly, je suis Heathcliff! Il est toujours, toujours dans mon esprit; non comme un plaisir, pas plus que je ne suis toujours un plaisir pour moi-même, mais comme mon propre être. Ainsi, ne parlez plus de notre séparation »...

J’ai été bouleversé par l’humiliation sociale subie par Heathcliff. Adopté par Mr Earnshaw lors de l'un de ses voyages à Liverpool, Heathcliff est un être mystérieux. Le lecteur ne sait rien de ses origines. Il est décrit comme ayant un teint de peau très sombre, différent des autres enfants. Pourtant, son père adoptif, jusque là si aimant envers ses deux enfants, se prendra d'affection pour le nouveau venu, délaissant Catherine et, surtout, Hindley, qui ne le pardonnera jamais à son frère adoptif. Lorsque le père décède, Hindley, nouveau chef de famille, traite injustement Heatcliff, comme s'il n'était qu'une pièce rapportée, un domestique.


Ainsi, lorsque Heatcliff entend dire par celle qu’il aime, Catherine, que se marier avec lui serait « se dégrader ». et que c'est la raison pour laquelle elle décide d'épouser Edgar Linton, de rang supérieur, son sentiment d'humiliation devient absolu. Il n'est plus de retour en arrière possible. Il disparaît, sans entendre la suite du discours de Catherine, qui confesse son immense amour pour lui, et qu'elle ne pourra jamais imaginer une séparation. En cela, ce roman est une tragédie.


Mais que le lecteur de cet article ne s'y trompe pas. Je ne cherche pas à excuser ni à justifier Heatcliff. Je me surprends moi-même, au fur et à mesure de l'écriture de ces lignes, à essayer de le comprendre. Heathcliff est insaisissable. Ses actes sont aussi peu compréhensibles et clairs que ses origines. Il est même envisageable de se poser la question de son humanité, voire de son existence. Bien sûr, la littérature fourmille d'être malveillants, sombres, haineux et cruels. Mais Heatcliff est l'incarnation de la noirceur. Il les dépasse tous. Je fus tétanisé, affolé et apeuré face à la haine du personnage, sa radicalité dans la vengeance. La mort rode autour du roman, de la première à la dernière page.


« Je cherche le moyen de rendre la pareille à Hindley. Peu m'importe le temps qu'il me faudra attendre, pourvu que j'y arrive à la fin, j'espère qu'il ne mourra pas avant que j'y sois parvenu. »

C’est un immense roman. J’y reviendrai un jour. C’est un classique. Je le relirai. Gothique, romantique et tragique, c’est un roman de rêves et de cauchemars. Tous les personnages, à leur manière, sont cruels et ont une part d'ombre attachée à leur âme.

Je suis d'autant plus fasciné et marqué par la lecture de ce roman qu'il a été écrit par une jeune anglaise du XIXe siècle, n'ayant connu que sa campagne, et étant parvenue ainsi à bousculer la morale de son époque. Le roman choqua, créa le malaise chez ses contemporains, heurta la sensibilité de ceux qui étaient attachés à certains mœurs, et indigna lorsqu'il fut appris qu'il avait été écrit par une femme.


« Nous n'avions pas souhaité nous déclarer comme femmes car nous avions cette vague impression que les autrices ne seraient pas jugées sans préjugés ».
Charlotte Brontë, sœur d'Emily, et autrice de Jane Eyre, paru la même année que Les Hauts de Hurlevent.

Oubliez tout, dépossédez-vous de votre stabilité au monde, dénudez-vous de votre morale, et entrez dans l’univers nocturne des Hauts de Hurlevent !

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1 Comment


Augustine Castillon
Augustine Castillon
Jun 22, 2023

Très bon article sur un livre aussi beau que puissant ! Je l'ai lu il y a une quinzaine d'années en me disant que je le relirais un jour. Il est peut-être temps :)

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