top of page
Mémo'art d'Adrien

Les paradis gagnés, de Pauline Clavière



« La volonté absolue ne consent pas au mal ; mais la volonté y consent dans la mesure où elle craint, par refus, de tomber dans un plus grand malheur ».


Les mots de Dante, que le grand poète italien ancra dans son Paradis après avoir erré dans L’enfer et avoir affronté le Purgatoire, raisonnent en moi après avoir terminé le second roman de Pauline Clavière, Les paradis gagnés. Consentir au malheur, sans le vouloir absolument, semble être le destin de tous les personnages de ce roman, pour lesquels il n’existe pas de bon choix. Le malheur est leur fatalité commune. Tout les y entraîne.


Et pourtant, chacun doit gagner son paradis. Les paradis gagnés représentent autant d’issues offertes aux personnages, à condition de sortir de leur enfer et de se sauver du purgatoire. Ils ont tous traversé des épreuves terriblement marquantes. Le temps de ce roman est celui de la reconstruction, d’une plongée vers les abîmes de l’enfer, ou d’un saut vers les paradis.


J’ai délibérément choisi de lire ce second roman sans avoir lu le premier, Laissez-nous la nuit, qui relate très certainement les épreuves traversées par les personnages. J’ai choisi de faire de cette lacune une force, car je rencontre Max, Laure, Ilan, et tous les autres héros de ce roman, sans rien ne connaître d’eux. Je les rencontre au moment où la reconstruction commence. Je ne sais rien d’eux, je les découvre avec leurs forces, et leurs faiblesses.


Entre un ancien détenu sorti de prison, un réfugié errant dans la capitale, une femme au passé lourd, un directeur de prison aux remords honteux, les histoires se mêlent et s’emmêlent dans le tourbillon de la vie. Le style de la romancière ajoute de surcroît un sentiment d’oppression chez le lecteur. Les phrases sont très courtes, les paragraphes s’enchaînent rapidement, les actes et les sentiments des personnages sont mêlés et se confondent, les ponctuations des dialogues disparaissent, de sorte que le lecteur ne peut plus faire la différence entre le moment du dialogue, celui de la pensée, et celui du narrateur. Le narrateur, d’ailleurs, change sans cesse, de la 1ère à la 3ème personne, d’une pensée à une autre.


C'est un vrai parti pris, et un pari réussi.


C’est un style détonnant, oppressant, comme je l’écrivais plus haut, et parfaitement adapté à l’histoire contée. Cela accroît l’impression qu’a le lecteur que les personnages courent vers leur destin, à l’instar d’une tragédie, qu’ils y sont propulsés, à une vitesse vertigineuse, accélérant sans cesse, dépourvus de tout contrôle ou de toute volonté. L’ambiance oscille entre un polar de Fred Vargas, une bande dessinée sociale de Jacques Tardi, et une chanson « rock » d’Adriano Celentano. En effet, à la description des conditions de détention en prison, répond la difficulté pour le personnel de l'administration pénitentiaire d'exercer leur fonction. Aux tourments d'un réfugié perdu et esseulé dans la capitale, répond les dangers et les violences qu'ont à subir certains parisiens dans certaines zones de la capitale. A la corruption et à l'immoralité de certaines personnalités politiques, répond la mise en place d'une enquête parlementaire sur certaines dérives de l'administration.


Les personnages, d’ailleurs, sont réussis, dans ce roman. Ils ont du relief, sont très facilement identifiables, malgré leur grand nombre, et l’on se surprend à s’attacher, différemment, à chacun d’entre eux, et à s’inquiéter du sort qui leur est réservé. J’ai tendance à lire avec prudence les romans comportant de trop nombreux personnages, car il est peu aisé de leur accorder à tous de l’intérêt, et de ne pas donner l’impression d’une foule. De tels romans sont réussis lorsque le lecteur s’attache à chacun des héros et héroïnes du récit. C’est le cas, avec ces Paradis Gagnés de Pauline Clavière.


Je ne peux que vous conseiller la lecture de ce roman. Personnellement, il m’a surpris. Laure, Max, Marcos, Paula et les autres sont comme de petits fantômes qui continuent de me suivre et de hanter mon esprit. Leur souvenir s’estompera progressivement. Les filaments de leurs contours s’effaceront avec le temps. Mais leur paradis est gagné, chacun à leur manière, tragique ou héroïque.


152 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page