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Photo du rédacteurPierre Manenti

Les partisans, de Dominique Bona


Faut-il un Immortel pour peindre un autre Immortel ? C’est en tout cas le pari fait par Dominique Bona, académicienne et historienne, qui s’est attaquée au portrait croisé de Joseph Kessel et Maurice Druon, oncle et neveu, deux géants de la littérature française, dont le parcours de vie épouse les contours du siècle passé, de l’exil vers la France des Lumières, à la guerre, par deux fois endurée, puis par les tours et détours du second XXe siècle.


Pour raconter leurs vies, l’auteure y glisse le portrait savoureux de Germaine Sablon, chanteuse, maîtresse de Kessel, mais aussi résistante, infirmière pendant la guerre, femme courageuse, emportée sur les champs de bataille de la France Libre, dont le destin se mêle à celui des deux écrivains. Loin d’être un personnage secondaire, elle s’impose comme la boussole de Kessel et la troisième pointe d’un triangle familial, n’en déplaise à Druon. C’est à eux trois qu’un jour de 1943, ils écrivent puis mettent en musique le célèbre Chant des Partisans, hymne de la résistance, dont la mélodie est empruntée à Anna Marly.


A travers cette grande fresque familiale de 500 pages, Dominique Bona nous plonge dans la vie des deux auteurs, évoquant tantôt l’incessante musique russe aux oreilles de Kessel, tantôt le bruit des verres qui s’entrechoquent et se brisent, ou encore le babil du whisky qui coule dans un verre puis une gorge, la vibration des cordes d’une musique tzigane, bref une sorte de tourbillon bruyant. Tout y est en effet bruit et fouillis, comme dans la vie trépidante de l’auteur des Cavaliers ou du Lion, génie à la plume, que l’on trouve sans cesse emporté par l’actualité, qu’il croque pour la presse, avant de la romancer dans ses livres, d’Israël à l’Afghanistan, du Kenya à la Malaisie.


Un destin fougueux attentivement suivi et imité par Maurice Druon, qu’on voit tour tour avide et jaloux d’un tel succès, impatient d’en découdre à son tour avec le destin, mais finalement plus « scolaire » dans sa carrière littéraire, attablé dans son établi et penché sur la rédaction de grandes sagas, qui ont fait sa légende, Les Grandes Familles d’abord, Les Rois maudits ensuite. Deux portraits où l’on cherche et devine évidemment les similitudes entre l’oncle et le neveu, mais où éclatent aussi toutes les différences, dans l’écriture, dans les vies amoureuses, dans le rapport à l’actualité et la politique, etc.


Les Partisans se lit ainsi comme un roman, mêlant éléments biographiques et récits de vie, une sorte de voyage intime jalonné de repères historiques bien connus, de la Première Guerre mondiale aux journées terribles de mai-juin 1940, en passant par les combats de la France Libre, le procès de Nuremberg, celui plus tardif d’Eichmann, mais aussi le référendum du général de Gaulle sur la participation et le bref mandat de Druon comme ministre de Georges Pompidou. Une grande fresque historique et familiale, à lire sans modération.


Pierre Manenti

Historien spécialiste du gaullisme et de la Ve République.

Directeur de cabinet adjoint de là ministre déléguée aux collectivités et à la ruralité.

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