“Bienvenue à Wayward Pines, Le paradis, c’est notre foyer !” indique un grand panneau à l’entrée de la ville, comme on les imagine bien sur les routes américaines, mais d’abord dans cette petite bourgade tranquille et franchement paumée, dans les montagnes de l’Idaho. C’est là qu’Ethan Burke, un agent des services secrets américains, se réveille, le visage et le corps amochés par de méchantes blessures, la mémoire flanchante, pas vraiment sûr de ce qu’il fait ici, si ce n’est d’être sur la piste de deux agents disparus.
Premier tome d’une trilogie écrite par l’Américain William Blake Crouch, entre 2012 et 2014, Wayward Pines oscille entre enquête policière, récit fantastique, voire carrément livre de science-fiction. Adapté à la télévision en 2015, avec Matt Dillon dans le rôle principal, ce roman assez court se dévore plus qu’il se lit. Crouch a d’ailleurs une écriture assez minimaliste et saccadée, l’intrigue écrasant les personnages dont on a souvent qu’une description rapide, un âge, un détail sur le regard, les cheveux ou la taille, l’imagination du lecteur faisant le reste.
Si vous êtes ici dans votre lecture de cet article, sachez que tout le génie de Crouch et toute la puissance de Wayward Pines résident dans la révélation sur la réalité du lieu de l’intrigue. N’allez donc plus loin qu’à vos risques et périls. Car le côté champêtre de ce petit village à taille humaine prend rapidement une dimension angoissante lorsqu’on réalise que la route qui le quitte fait en fait une boucle dans la montagne pour mieux y revenir et que les habitants, au premier abord apathiques et pas très causants, sont prêts à massacrer à main nue les nouveaux venus lorsque leurs téléphones se mettent à sonner.
Espionné par une puissance mystérieuse qui lui a implanté une puce électronique dans le corps, poursuivi par des habitants fanatiques, menacé par un toubib au scalpel fou et une infirmière tout droit tirée de vos pires cauchemars, Ethan Burke n’est pourtant pas à un choc près. Parvenu à se tirer de ce pétrin - c’est d’ailleurs peut-être le seul défaut de ce roman que d’avoir un “super-héros” indéboulonnable malgré ses blessures à répétition ! -, le principal protagoniste réalise que la ville est en réalité entourée d’une immense barrière électrique, qui sépare l’insouciance de Wayward Pines d’un monde hostile, peuplé de créatures horribles et affamées de chair humaine.
C’est là que le récit bascule dans la science-fiction et emporte le lecteur dans un autre univers, Ethan Burke découvrant que Wayward Pines n’est pas qu’une prison sous haute surveillance mais en réalité le dernier îlot d’humanité en l’an 4028. Le docteur John Pilcher, à l’écran l’incroyable Toby Jones, spécialiste du rôle de scientifique méchant mais pas trop, a en effet construit ce sanctuaire en 2013, plongeant des personnes pas toujours volontaires dans un état de comas pour les réveiller dans un futur apocalyptique, afin de sauvegarder l’espèce humaine. Et Ethan de réaliser que sa femme et son fils ont fait ce voyage millénaire avec lui…
Inspiré par la série Twin Peaks de David Lynch, Wayward Pines est donc un roman à l’atmosphère tout à la fois intrigante, pesante, mystérieuse et malaisante. On s’y plonge sans vraiment parvenir à en sortir, les chapitres s’enchaînant très facilement, le rythme haletant ne vous laissant qu’à peine reprendre votre souffle et les révélations vous secouant à chaque nouvelle page, dans la peau d’Ethan Burke, prisonnier malgré lui de ce paradis perdu.
Pierre Manenti
Wayward Pines - Tome 1 : Révélation, Blake Crouch. Edition Gallmeister. Prix : 7,90 euros
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